Le mariage des enfants représente une réelle menace pour la vie, le bien-être et l’avenir de millions d’enfants, en particulier les jeunes filles et les femmes dans le monde. Celles-ci sont contraintes de mettre un terme à leurs études, renoncer à leur avenir et endosser le rôle de femme au foyer avant 18 ans. En République de Guinée, cette triste réalité affecte des millions de personnes mineures et majeures.
C’est dans ce cadre que les Amazones de la Presse Guinéenne sous financement de Girls First Fund, se lancent pour l’abandon du mariage d’enfants en Guinée.
Pour toucher du doigt la réalité, notre reporter a rencontré ce 28 juillet 2024 une jeune femme à Conakry, qui a préféré garder l’anonymat. Elle dit avoir été mariée à l’âge de 14 ans. Lisez son histoire !
« Je suis mariée en 2009 alors que j’avais 14 ans », a-t-elle entamé.
« Pour la petite histoire, j’ai rencontré mon mari pour la première fois en 2008 à Kindia, il était venu chez sa sœur et c’est là qu’il m’a vu pour la première fois. Ce jour-là, il m’a appelé il m’a salué et il m’a demandé de l’apporter de l’eau à boire et c’est comme ça qu’il m’a abordé en me demandant si je suis à l’école, je fais qu’elle classe entre autres… j’avoue que c’était un monsieur intellectuel il me parlait en français et j’avais même peur de le répondre pour ne pas parler un mauvais français. C’est comme ça qu’il a informé sa sœur qu’il voulait de moi en mariage et il était prêt à m’attendre vu que j’étais encore petite. Ainsi, sa sœur a informé ma tante parce que je vivais avec cette dernière. En 2009 il est venu, il m’a rencontré en disant qu’il voulait faire de moi sa femme. J’avoue qu’il m’avait séduit par ses mots ( en français) et c’était mon rêve d’épouser un homme instruit malgré que j’ignorais encore c’est quoi le mariage. Par après il a informé ma famille et j’étais prête à aller avec lui vu que là où je vivais tout n’était pas rose pour moi. Je voulais à tout prix quitter chez ma tante. Je me disais dans la tête je veux me marier parce que j’aurais des valises remplies d’habits et de beaucoup choses. Je voulais à tout prix quitter chez ma tante pour vivre dans la paix sans traumatisme.” Dit elle.
Elle a donc été mariée et son rêve devient un cauchemar. “Ainsi, le mariage fut célébré en juillet 2009 et je suis allée chez mon mari. Arrivée, j’étais très surprise de voir que je devais partager la même chambre que lui, moi qui n’accepte même pas de me déshabiller devant mes copines. Ça nous a pris tellement de temps pour que nous consommons notre mariage. Parce qu’à chaque fois qu’il essayait de me parler j’avais peur et ça me rendait malade. Notre premier contact n’a pas été facile pour moi. J’avais beaucoup saigné ce jour. Et je n’avais jamais ressentie une telle douleur depuis ma naissance. Je me rappelle ce jour-là, j’ai eu froid et je pensais que c’était fini pour moi parce qu’un homme m’a touché. Du coup, j’ai appelé ma mère et je lui ai expliqué en pleures, ce qui venait de se passer entre mon mari et moi. Je disais à ma mère, maman mon mari m’a touché et je suis sur le point de mourir. Elle m’a dit au téléphone de me taire et de ne dire à personne, que cela doit rester entre mon mari et moi. Elle me dit de me calmer que tout ira pour le mieux. Depuis ce jour, j’ai continué à tomber malade, je ne mangeais pas, je ne faisais rien. Je perdais du poids.” Dit-elle.
“Mon mari m’a envoyé à l’hôpital, pensant que j’étais enceinte, le médecin nous a dit que j’étais en manque de sang. Et c’est comme ça que j’ai eu peur du sexe. En plus ce mariage a fortement perturbé mes études. Par après, mon mari a décidé de m’envoyer chez ses parents pour que je puisse bien récupérer ma santé. Je suis allée, j’ai fait deux mois et je suis revenue, un mois plutard, je suis tombée enceinte. Et j’ai continué à tomber malade encore et encore, il m’a encore envoyé chez ses parents pour que je puisse rester avec eux. Je suis restée à Faranah jusqu’à ce que j’accouche. Au moment de l’accouchement, je devais accoucher par césarienne malheureusement pour moi, je suis tombée malade la nuit. Dès qu’on m’a envoyé à l’hôpital les sages-femmes qui étaient en garde ce jour-là, m’ont dit que je vais accoucher d’un moment à l’autre. Elles m’ont fait coucher dans la salle d’accouchement et m’ont donné des injections. Depuis, j’ai commencé à avoir chaud, je n’avais plus de force en moi, la douleur s’est aggravée, ces deux sages-femmes continuaient à me donner des injections. Selon elles, pour permettre au bébé de sortir vite. De 22h à 4h, le bébé ne venait toujours pas. Ces femmes ont eu peur, elles ont appelé un médecin qui est venu les secourir. Je me rappelle que ce médecin disait que la fille là devait accoucher par césarienne. Je ne peux expliquer la douleur que j’ai enduré cette nuit. Finalement, j’ai eu un mort né.” Regrette-elle.
Elle continue en ces termes “par la grâce de Dieu, un an plus tard, je suis tombée enceinte et j’ai été suivie par de bons médecins à Conakry qui m’ont dit dès le début de ma grossesse que je devais arrêter tout contact sexuel avec mon mari jusqu’à 5 mois. Et, ça s’est bien passé j’ai accouché d’une fille. Le troisième geste ça n’a pas marché. À 5 mois, le bébé est mort dans mon ventre, j’ai fait un lavement qui n’a malheureusement pas réussi. Après ce lavement mon ventre s’est enflé on dirait que j’étais enceinte de 9 mois, on m’a transporté d’urgence à l’hôpital Donka. Ma tension était en ce moment à 4 degrés. Les médecins ont clairement dit à mon mari que j’ai peu de chance de m’ensortir. Ils ont proposé une intervention générale avec peu de chance pour m’ensortir. J’ai subit cette opération générale qui avait réussi à 95%. Après cette opération, je n’avais pas encore recommencé l’intimité avec mon mari parce que les médecins m’avaient recommandé un repos de 2ans afin de subir une autre opération parce que la première n’avait pas totalement réussi. Et c’est à une année de ma première opération que mon mari est décédé.”
“Et je suis restée comme ça sans faire la deuxième intervention chirurgicale. Et voilà aujourd’hui il y a pleins d’hommes qui veulent de moi en mariage, mais au fond de moi, quand je regarde mon ventre, je me dis est ce que ce ventre là peut supporter une grossesse. Il y a tant de questions que je me pose. Parfois, je me dis si j’accepte de me remarier et que je tombe enceinte et par fini, je perds ma vie dans cette grossesse, je vais laisser encore ma fille orpheline une fois de plus. “
Que faire pour éviter aux jeunes filles ce même scénario ?
Idiatou Bella Diallo