Chaque 11 octobre, l’humanité célèbre la journée internationale de la fille. Une journée qui a été choisie le 19 décembre 2011, à l’assemblée générale des Nations Unies pour reconnaître les droits des filles et les obstacles particuliers auxquels elles se heurtent. En 2021, elle est célébrée sous le thème « Génération numérique. Notre génération ». Si le thème de cette année est lié au numérique, ce même espace a permis à la nouvelle génération de briser les tabous, de parler de tous les maux dont souffrent les filles notamment l’excision qui est une pratique à la peau dure en Guinée.
Deux jeunes filles guinéennes comme près de 95% des filles du pays, ont subi l’excision et expliquent ici leur mésaventure!
C’est à ses quatre ans, Fatoumata a été amadouée par sa grand mère paternelle. “Elle est venue nous chercher mes grandes sœurs et moi le matin, disant qu’on devait l’accompagner quelque part.” Entame-t-elle.
“C’est quand on est arrivée au lieu de l’excision, que j’ai entendu le mot “exciser” pour la première fois. Je ne savais pas vraiment ce que ça signifiait. Chez nous, il est de coutume d’exciser de la plus âgée aux plus jeunes. Et quand la plus grande est entrée, on pouvait entendre des pleures et cris. C’est là j’ai compris que ça n’allait pas et j’ai commencé à paniquer. Mon tour aussi est arrivé, dès que j’ai vu les ciseaux j’ai pleuré et soudain quatre femmes m’ont pris de force. Deux tenaient mes pieds, l’une a pris un morceau de tissu qu’elle a mis sur mes yeux et l’autre était celle qui m’a coupé. Par magie, je n’ai pas pleuré et tout le monde m’a félicité pour mon courage. C’est après qu’on a su que l’exciseuse avait profité de mon calme pour me couper à fond.” Se rappelle Fatoumata avec une rage sur le visage.
Après l’ablation de son clitoris, elle a saigné pendant des jours, dit-elle avant de continuer sur ces mots. “J’avais tout le temps la fièvre. Mes grandes sœurs se sont remises avant moi, j’étais tout le temps malade. Et aujourd’hui j’ai des règles douloureuses et des pertes blanches de temps en temps, je ne sais pas si c’est dû à ça.” A-t-elle conclut.
Hawa qui est aujourd’hui une activiste, a aussi vécu un peu le même scénario lorsqu’elle avait 6 ans. “Ma tante a comploté avec ma maman qui m’a réveillé pour soit disant aller faire mes vacances chez cette tante. J’étais contente et je me suis apprêtée précipitamment, je n’avais même pas eu le temps de prendre mon petit déjeuner.”
Si elle savait où elle allait, l’excitation serait que peu. Alors de là “nous sommes allées chez une autre tante où j’ai retrouvé 3 autres filles. On nous a amené dans une maison abandonnée où une autre de mes tantes qui est sage femme, nous attendait pour nous exciser.”
Comme chez Fatoumata, chez Hawa aussi les filles entraient une à une pour subir la pratique. Elle aussi a entendu les cris, “mais personne ne parlait pour que je comprenne ce qui se passe. J’ai été la dernière à passer, et me voilà en face des couteaux, des ciseaux et lames. J’étais traumatisée et j’ai fait tout un cinéma, j’ai réclamé ma maman. Elles essayaient de me calmer mais je n’ai pas pu me taire. C’est entre temps elles m’ont attrapé et écarté les jambes pour m’exciser.” Dixit Hawa.
Le mal était fait, elle aussi est entrée dans “la cour des grandes”, elle était devenue une “femme”, mais à quel prix? “J’ai eu des douleurs, des saignements, un manque d’appétit et de la fièvre. Une de mes tantes a voulu qu’on appelle ma maman mais d’autres disaient de ne pas le faire car je ne suis pas la première à subir cette pratique. On a voulu m’amener à l’hôpital mais l’exciseuse a refusé en disant que si mes tantes ne savent pas que l’excision est interdite? Donc si on m’amène à l’hôpital elle sera démasquée. Elles ont fini par m’acheter des médicaments de la rue pour calmer ma douleur. J’ai enduré cette douleur toute la journée et j’ai fini par avoir des boutons sur les petites lèvres. En plus de ça, on nous imposait de faire des travaux ménagers même avec la douleur. Jusqu’aujourd’hui j’ai les séquelles de cette pratique car j’ai tout le temps des règles très douloureuses, des infections. L’excision ne m’a rien apporté de bon, rien absolument.” Regrette-t-elle.
Si des lois sont votées en Guinée contre les mutilations génitales féminines (MGF) notamment l’excision, et des actions sont menées depuis des décennies contre cette pratique, la Guinée garde jalousement sa place de deuxième pays au monde à pratiquer les MGF avec un taux de prévalence de 96%. Que faire donc pour que ça cesse?
Aminata Diallo