L’actuelle présidente du Conseil Economique et Social CES, a fait ses études primaires à Mamou et à l’école de Coronthie à Conakry. Puis, Hadja Rabiatou Serah Diallo est rentrée au collège Sainte Marie de Kaloum. Étant enfant unique, elle s’est orientée dans l’école professionnelle, pour aider sa mère qui travaillait beaucoup. Alors Hadja a fait des cours en secrétariat. Apres trois ans, c’est en 1966, elle a commencé à travailler au pool du secrétariat de la présidence, tout en apprenant la dactylographie. Elle a pensé qu’il fallait apprendre encore une deuxième méthode qui est le Prévost-Delaunay.
Après tout ce parcours, elle abandonne le secrétariat qui ne la convenait plus. Hadja Rabiatou travaillait donc le matin, et les après-midi elle allait suivre des cours juridiques à l’université, où elle a été rétrogradée de hiérarchie mais a accepté, parce qu’elle avait un objectif à atteindre. Elle a évolué au niveau du tribunal pour enfant à l’époque, en tant que vice-présidente. Parallèlement, Hadja était dans le mouvement des jeunes, plus tard elle a intégré le mouvement des femmes. Mais elle ne s’y sentait pas tellement bien à l’aise. Hadja Rabi s’est orientée vers le mouvement syndical en 1969, parce que selon elle, elle a vu que c’était l’organisation qui pouvait vraiment défendre les travailleurs, les uns et les autres, puisqu’elle aimait prendre la défense des plus démunis. Lisez cette interview exclusive que votre site actu-elles.info a réalisé avec cette femme battante !
Êtes-vous jusqu’à présent syndicaliste ?
Oui je le suis et je le demeure pour le reste de ma vie. J’ai le sang syndical dans mes veines.
Depuis quand le CES existe en Guinée ?
Depuis le 23 décembre 1991, moi je suis là depuis septembre 2015. Nous sommes membres des Conseils Economiques de la francophonie, des Conseils Economiques Afrique et Monde.
En tant que femme présidente du Conseil Economique et Social, comment gérez-vous les autres membres, surtout les hommes ?
C’est facile, les hommes ne sont pas difficiles à gérer moi je pense, même dans le foyer. Il faudrait les amener à changer les mentalités, pour qu’ils sentent que ce n’est pas parce que tu veux les faire remplacer ou que tu es mieux qu’eux, mais que la femme peut faire le travail que l’homme fait, vice versa. Donc il faut gérer dans l’amitié, dans la solidarité, en écoutant les uns et les autres. Pour moi ce sont mes frères, mes enfants, mes maris. Partout où je suis passée c’est ce qui prévaut chez moi, c’est une question de complémentarité pas de compétition.
Quel est le rôle du CES en Guinée?
Le rôle du Conseil Economique et Social, c’est de donner des avis et recommandations. Nous sommes régis par la Loi 91 CTRN. Nos sessions ne sont pas publiques parce que nous donnons des avis et recommandations au chef de l’Etat et à l’Assemblée Nationale. Notre mission c’est d’avoir des saisines selon les problèmes socio-économiques du pays, des départements ou de l’assemblée nationale ou encore du chef de l’Etat. La loi nous autorise aussi à avoir des auto-saisines selon toujours la conjoncture socio-politique et économique.
De présidente du CNT à Présidente du CES, pouvons-nous nous attendre à Hadja Rabiatou cheffe d’Etat, un jour ?
L’Homme marche avec son destin. Mais j’avoue que plusieurs fois pendant la transition, on m’a proposé d’être dans le gouvernement, mais j’ai décliné, parce que je pense que mon rôle n’est pas encore dans l’exécutif. Je peux ne pas être cheffe de l’Etat mais si une femme, un jour accédait à ce pouvoir je vais m’en réjouir. Une de mes luttes est que les femmes participent aux prises de décisions et qu’on cesse de les exploiter. Je l’ai toujours dit dans tous les médias, que nos anciens chefs disaient que la nuit porte conseil, mais aucune nuit ne porte conseil. C’est pour aller demander sous l’oreiller, à son épouse, des conseils pour que le lendemain ils reviennent avec des solutions toutes faites.
Ça se dit que Alpha Condé vous a mis à ce poste au CES pour vous faire taire, sachant que vous avez été une actrice pour dénoncer la mauvaise gouvernance de Lansana Conté, qu’en dites-vous ?
Vous savez c’est ce qu’on dit dans notre jargon le hakkai, je pense que c’est du hakkai à l’endroit du chef de l’Etat. Moi je n’appartiens à aucun parti politique. Je vous ai dit que je suis syndicaliste à vie et d’ailleurs c’est pour ça que je suis présidente d’honneur de la CNTG. Quand on ne connaît pas il faut demander, le chef de l’Etat a la possibilité de désigner dix (10) personnalités de son choix pour le représenter au CES et je fais partie de ces 10 personnalités. Mais les postes ici sont électifs, ça se fait par un vote. Toutes les corporations sont représentées, il y a les patronats, l’artisanat, les syndicalistes etc. Nous formons un tout de 45 membres, ce sont ces membres qui se retrouvent pour mettre le bureau de six (6) personnes en place. Chacun peut se présenter, donc je me suis présentée comme n’importe qui. Alors un vote a eu lieu et je n’ai pas eu les 100%. Donc le président de la république ne peut pas imposer quelqu’un à la tête de l’institution. Ici je n’ai pas un rôle de sortir dans la rue pour crier ou protester, mais je peux interpeller le chef de l’Etat par écrit, c’est ce que la loi me confère.
Etant à la tête d’un conseil économique, les gens disent que l’économie du pays se porterait mal, êtes-vous d’accord ?
Je ne dirai pas non. Ça tout le monde le récent. Nous avons une commission qui s’occupe du volet économique, la commission numéro 4. On a fait la mobilisation des recettes publiques la dessus lors d’une auto-saisine. Nous avons consulté des institutions internationales telles que la Banque Mondiale, le FMI, l’Union Européenne. Nous avons consulté des institutions nationales comme les ministères du budget, de l’économie et des finances. Nous avons fait un rapport conséquemment pour attirer les attentions.
A l’image de l’économie, que faites-vous pour redorer le tissu social dans ce pays où la politique divise un peu tout le monde ?
Nous faisons des sensibilisations pour amener les uns et les autres à privilégier le dialogue à la place des violences. Toutes les quatre commissions du CES travaillent et interpellent les services qui sont directement concernés à ce niveau, pour pouvoir discuter avec eux et faire des propositions de sortie de crise.
Une femme à un tel poste de responsabilité, comment faites-vous pour concilier foyer et boulot ?
C’est très facile, je considère que mon mari est le premier bébé de la maison. Il a besoins de moi et je dois le réconforter, je dois pouvoir le motiver, le sensibiliser sur ce que je suis en train de faire pour qu’il m’accompagne. Nous sommes des familles africaines, n’oubliez pas ça. Donc le brassage est très profond, on a notre culture, notre façon de faire. Nous avons nos beaux-parents, nos propres parents, ainsi que les voisins qu’il faut utiliser. Tous ceux-ci peuvent aider dans l’éducation des enfants, dans tout ce qu’on entreprend, dans le ménage, chacun s’implique pour que quand tu n’es pas à la maison, qu’il n’y est pas un vide. Et le peu de temps que tu as, quand tu reviens à la maison, tu consacres ça à la famille, donc lier l’utile à l’agréable, mélanger les choux et les chèvres ensemble pour que tout se passe bien. Il faut créer cette confiance entre ton mari, toi et ta belle famille, parce que c’est la belle famille qui aime toujours créer des troubles, quelques fois le mari est très correct, mais les femmes rencontrent des difficultés.
Quelle est votre position sur les violences faites aux femmes ?
Là mon cœur grince, j’ai le cœur serré, je suis meurtrie, surtout concernant les viols. C’est un phénomène contre lequel on doit lutter, parce que même des personnes âgées sont violées par des petits enfants, ou alors des fillettes de un an de deux ans, qui entraîne quelque fois la mort de certaines malheureusement. Je pense que nous avons beaucoup à faire pour lutter contre ces violences. Je ne sais pas si c’est une malédiction ou qu’est ce qui arrive, mais vraiment on n’est pas habitué à ça, même si ça existait ce n’était pas aussi visible. Je souhaiterais donc que tout le pays se ressaisisse. Je crois quelques fois que ces violeurs sont des malades mentaux. J’ai une de mes petites filles qui a été violée à Dubreka et le violeur a été arrêté et relâché après, il n’y a jamais eu de jugement. Donc, il faut que tous les guinéens se mobilisent, si tu n’es pas père tu es mère ou religieux. Que chacun de nous en fasse son problème personnel. Evidemment il faut que l’Etat aussi se ressaisisse pour lutter contre ce genre de phénomène.
Votre mot de conclusion ?
J’appelle les femmes à jouer leur rôle. Que les femmes cessent de se sous-estimer, elles ont une large responsabilité. Dans un foyer où il n’y a pas de femme, l’éducation des enfants est ratée, c’est nous qui devons lutter pour l’éducation et pour la paix.
Aminata Diallo