Depuis 1992, la Guinée consacre le mois de juin de chaque année, à la célébration de l’enfant. Une occasion pour les autorités, les ONGs et les partenaires, de mener des actions allant dans le sens des droits des enfants. C’est dans ce cadre que deux femmes guinéennes écrivent au président de la transition en Guinée. Lisez!
France, le 30 juin 2022.
Objet : Plaidoyer pour la mise à disposition de locaux dédiés au Tribunal Pour Enfants
À Monsieur le Président de la Transition en République de Guinée,
Monsieur le Président de la Transition,
« La plus grande richesse naturelle d’une collectivité, ce sont ses enfants. La collectivité ne peut s’enrichir que dans la mesure où elle parvient à donner confiance aux générations montantes, ainsi que le goût et les moyens de se surpasser… » l’envers de l’enfance d’Alive Parizeau.
Monsieur le Président de la Transition, nous sommes deux activistes et militantes pour plus de respect et de protection pour les couches les plus vulnérables de notre société.
La situation de la justice juvénile en République de Guinée nous préoccupe à plus d’un titre.
Monsieur le Président de la Transition, le mois de juin est consacré en Guinée, à la promotion et à la protection des droits de l’enfant; nulle période plus indiquée pour le présent plaidoyer à votre endroit!
En République de Guinée, Monsieur le Président de la Transition, nous disposons des Codes : civil, pénal, de procédure pénale et celui de l’enfant guinéen adopté en 2008 ; la Guinée est aussi partie à la quasi-totalité des instruments juridiques internationaux et régionaux de promotion et de protection des droits de l’enfant tels que : la Convention relative aux droits de l’enfant de 1989 ratifiée par la Guinée en 1990 ; la Charte africaine des droits et bien-être de l’enfant de 1991 dont la Guinée est un Etat fondateur, la Convention de Beijing…
Monsieur le Président de la Transition,
Par décision N°0020/PRG/DGPBP/CAB/SP/19 en date du 18 septembre 2019, la Direction Nationale du Patrimoine Bâti Public a affecté un bâtiment et ses dépendances sis à Almamya dans la commune de Kaloum, anciennement occupé par l’Ambassade de la Palestine, au Ministère de la Justice.
L’Ambassade de la Palestine a bénéficié quant à elle d’un autre local et y a déménagé depuis un certain temps.
L’article 2 de la décision d’affectation dit que ledit bâtiment et ses dépens sont destinés à abriter les services ci-après :
• La Direction Nationale de l’Education Surveillée
• Le Tribunal de l’Enfance
• La Chambre d’Arbitrage de Guinée
L’article 3 de cette décision d’affectation dit qu’aucun autre usage ne peut être donné audit bâtiment.
Monsieur le Président de la Transition, de 2019 à maintenant, le Ministère de la Justice peine, malgré de nombreux courriers et relances adressés au Ministère des Affaires Étrangères, à faire exécuter la décision administrative énoncée ci-dessus, ce qui cause un réel préjudice à la justice juvénile guinéenne car le Tribunal pour Enfants, la Direction Nationale de l’Éducation Surveillée et la Chambre d’Arbitrage de Guinée subissent de graves dysfonctionnements et pour preuve, le personnel du Tribunal pour Enfants, faute de disposer d’un local approprié, s’est mis en grève récemment car il lui était impossible de continuer à exercer ses tâches juridictionnelles dans ces conditions.
Monsieur le Président de la Transition, au nom de tous les enfants de Guinée, qu’ils soient victimes ou en conflit avec la loi, nous sollicitons à ce stade, votre indispensable diligence.
La Haute Autorité que vous incarnez fait de vous le garant des lois et de leur exécution dans votre ressort. Elle vous confère le pouvoir discrétionnaire de prendre les mesures idoines pour faire appliquer les décisions administratives et judiciaires.
Monsieur le Président de la Transition, les enfants de Guinée, substrat de la Nation, ont plus que jamais besoin de votre intervention pour prouver que la justice sera désormais la boussole et plus particulièrement pour eux.
Les enfants de Guinée ont besoin que pour eux, SOIT LA JUSTICE AVEC DES LOCAUX DÉDIÉS, à l’instar de leurs pairs dans la sous-région qui ont des Palais de Justice spécifiques adaptés à leur besoin de justice, qui respectent leur honneur et leur dignité ainsi que les principes de confidentialité qui gouvernent la justice juvénile.
Monsieur le Président de la Transition, le système ne doit pas contribuer à accentuer leur vulnérabilité comme il continue de le faire en les jugeant dans des salles d’audiences de droit commun.
C’est leur droit le plus légitime.
De surcroît, Monsieur le Président de la Transition, d’importants fonds mis à disposition par des partenaires techniques et financiers de la Guinée sont encore disponibles pour réhabiliter le bâtiment affecté au Ministère de la Justice pour abriter le Tribunal pour Enfants et autres services connexes, à condition d’être utilisés dans les délais impartis.
Monsieur le Président de la Transition, avec la même célérité dont vous avez fait montre en créant et organisant la Cour de Répression des Infractions Économiques (CRIEF) opérationnelle à ce jour, le Tribunal pour Enfants lui aussi doit recevoir un traitement déférent identique. Son Institution est antérieure à celle de la CRIEF qui s’est vue, elle, doter en un temps record de tout l’arsenal indispensable à son fonctionnement.
Monsieur le Président de la Transition, la Charte de la Transition sur laquelle vous avez prêté serment et devant régir la Transition consacre l’égalité de tous les citoyens et garantit les droits fondamentaux.
La couche juvénile de notre pays est en droit de se demander quelle place est la sienne dans notre société quand une question aussi cruciale que celle de sa justice est traitée avec autant de condescendance et de désinvolture.
Monsieur le Président de la Transition,
si la justice d’un Etat et sa marche restent et demeurent l’expression régalienne de sa souveraineté, qui le distingue des autres Etats, celle des enfants constitue sa projection dans son avenir ce qui doit être sa priorité et une absolue nécessité.
Monsieur le Président de la Transition, les examens d’entrée au collège qui viennent de livrer leurs résultats ont été accueillis avec stupeur générale tant les statistiques révèlent la profondeur du mal de ce département qui est la base même de toute œuvre que la Guinée se donne pour ambition d’atteindre.
Les enfants doivent être la priorité des priorités car ce sont eux qui assureront la continuité de tout ce qui fait de nous la Guinée et c’est sur leurs épaules que va reposer la responsabilité de la grandeur de notre Nation.
Ils n’y arriveront pas si nous ne leur en donnons pas les outils, les moyens, les codes, l’attention dont ils ont besoin, qu’ils méritent et que nous leur devons.
Kadidiatou BAH
Fatoumata Binta BAH