« Au regard de mes privilèges fruit de mes décisions antérieures, je revis avec amertume ma première expérience de « maman » dans un hôpital piteux de la ville aux mains de médecins et de sages femmes partagés entre une bonne raison de me traiter avec humanisme et celui de ne pas l’envisager. Ma mère et mon époux dans le couloir aux odeurs nauséabondes arboraient les plus beaux sourires afin d’encourager ces dames à prendre soin de moi pendant qu’on m’empêchait même d’exprimer mes douleurs.
Oui ! Je garde un souvenir amer de mon premier accouchement comme nombreuses de mes soeurs guinéennes qui s’accrochent au désir d’enfanter afin que la société ne les juges pas non fécondes au risque de perdre son foyer mais surtout sa réputation. Car chez nous bien des gens continuent à refuser de croire que l’homme peut être infécond, hélas.
J’ai cet accouchement comme un supplice car la seule chose qui m’a valu de l’attention à des moments donnés c’est que je devais débarrasser le lit afin de permettre à une autre de passer à la trappe. Heureusement que lorsque nous voyons sa petite tête enfin et entendons son premier cri, un souffle apaisant nous caresse le visage et procure cette satisfaction d’avoir réussit à survivre en dépit de tout.
Mon deuxième accouchement va ouvrir la brèche sur la décision qui est restée qu’une décision car non appliquée s’agissant de la gratuité de la césarienne à bien des endroits encore malheureusement. Je revois encore ma mère me suppliant de laisser mon époux payer les frais et moi de lui crier « maman c’est sensé être gratuit suite à une décision du gouvernement ». Mais il faut rappeler que je n’étais pas d’office admise à cette chirurgie mais nos sages femmes ont trouvé le moyen de me donner cette envie de quitter leur périmètre par cette forme de mépris à l’égard de la femme qui accouche dont elles seules ont le secret.
C’est à se demander comment peut on opter pour une profession dont le premier sacerdoce naturel doit être l’amour pour son prochain dans un compartiment médical ou l’on donne la vie. Comment dans un lieu où la joie de donner la vie peut elle virer à un tel cauchemar pour la femme guinéenne dans sa majorité, où quand tu entres ton premier réflexe c’est espérer qu’une de tes connaissances soit en service ou qu’on t’assure un médecin de ton ethnie? Comment peut on espérer qu’un pays dont les fils et filles naissent dans un environnement insalubre et traiter avec autant d’indignité puissent offrir mieux au sortir de là ?
La naissance de ma troisième fille dans le pays de l’uncle Sam dépasse l’entendement en terme de respect de la personne humaine quelque soit ta couleur de peau, ton origine, ta religion. Ce que j’ai vécue là me donne bien raison en plus d’employer mon énergie à poursuivre la lutte afin que la femme guinéenne vive la joie d’enfanter au pays un jour. Ça va être long et difficile de faire évoluer les mentalités en terme de responsabilité mais je ne vois pas à quoi sert un acteur politique, un leader politique, un élu s’il ne porte pas un projet d’amélioration des conditions de vie de nos concitoyens.
Malheureusement la politique sous nos cieux, se résume à rivaliser d’accusations entres acteurs politiques de l’opposition et de la mouvance. Désolée de ne vous avoir pas servit de ce plat en lecture, pour nous à la Guinée Audacieuse pour offrir une politique de développement cela passe par engager des batailles qui intéressent le guinéen afin de lui rendre sa dignité. J’invite le Premier Ministre, Chef du gouvernement à se promener un peu dans nos centres de santé et hôpitaux non pas pour s’informer, il en sait des choses mais pour sauver celles qui seront en couche ce jour car ce corps médical véreux voudra tellement l’épater qu’ils feront mine de prendre soin des patients.
Comment conclure sans rendre hommage à ceux là qui malgré tout font leur travail qui se dilue malheureusement dans les méandres de la mauvaise graine. »
Keita Domani Doré,
Ancienne Ministre des sports
Présidente de la Guinée Audacieuse
Philosophe