En 2010, à Sidi Bouzid, elle avait été parmi les premières à retransmettre les manifestations de colère contre le pouvoir, prémices de la « révolution de jasmin ».
« Lina était une voix libre, une militante infatigable et défenseuse des libertés et de la démocratie avant et après la révolution. Elle a lutté avec courage et détermination pour une société libre et juste » : c’est par ces mots que l’ONG tunisienne Al Bawsala a rendu hommage à la Tunisienne Lina Ben Mhenni, autrice du célèbre blog A Tunisian Girl, morte ce lundi à l’âge de 36 ans des suites d’une longue maladie.
Cette « voix de la révolte tunisienne », assistante en langue anglaise dans une faculté de Tunis, avait reconnu ces derniers mois vivre un calvaire, dénonçant au passage l’état des hôpitaux de la capitale. La jeune femme, pour qui la maladie était une prison, est restée combative jusqu’au bout. Son dernier billet sur la situation politique du pays a été publié (en arabe), le 26 janvier, la veille de sa mort.
Celle qui se voyait comme une « petite, toute petite activiste pour les droits de l’Homme » fut à la pointe de la vague de révoltes du « printemps arabe », ayant fait chuter le régime de Zine El-Abidine Ben Ali en 2011, forcé de s’exiler à Riyad. Avant même la chute de la dictature, durant des années et malgré les risques, Lina Ben Mhenni témoignait sur Internet des dérives du régime. Elle se déplaçait dans de nombreuses villes défavorisées du pays pour alimenter son blog.
Après l’immolation par le feu du jeune marchand de rue Mohamed Bouazizi le 17 décembre 2010, elle avait été la première blogueuse à se rendre à Sidi Bouzid, le berceau de la révolution. Munie de sa petite caméra, elle avait retransmis, via les réseaux sociaux, les premières manifestations de colère des habitants contre le pouvoir.
Sa chronique de la révolution en français, anglais et arabe fut le point d’orgue de cet engagement contre la dictature. En 2011, Lina Ben Mhenni en avait tiré un ouvrage,Tunisian Girl, blogueuse pour un printemps arabe. Elle avait ensuite poursuivi son militantisme pour défendre les droits fondamentaux en Tunisie, son nom avait même circulé pour le prix Nobel de la paix, après la révolution ayant renversé Ben Ali. Malgré sa santé fragile, elle participait à de nombreuses manifestations et à des procès touchant à la liberté d’expression.
Dès l’annonce de sa mort, les hommages ont afflué. Nombre d’internautes, élus, diplomates et représentants de la société civile ont exprimé leur tristesse.
Le média tunisien indépendant Inkyfada a salué sur sa page Facebook « cette femme qui aura impressionné sa génération et beaucoup d’autres » :
« Lire, collecter, ne pas oublier, se souvenir, rapporter, pour l’Histoire, pour les luttes passées, présentes et futures. Une icône nous a quitté·es, mais elle a déjà laissé une trace et montré le chemin. »
Désigné la semaine dernière, le chef du gouvernement, Elyes Fakhfakh, a rendu hommage à une « icône » des mobilisations de la société civile. Pour l’ex-chef du gouvernement Mehdi Jomaa, «la Tunisie a perdu aujourd’hui l’une de ses femmes libres, une femme qui a vécu forte jusqu’à ses derniers jours ».
« Lina a toujours été au premier rang dans chaque combat contre l’injustice, la marginalisation, la corruption », ont renchéri sur Facebook les militants d’une campagne citoyenne qui avait vu le jour ces dernières années contre l’amnistie, votée en 2016, de certains actes de corruption.
Source lemonde.fr