La virginité c’est l’état pur d’une chose ou d’une personne, elle revêt encore une connotation positive dans certaines familles guinéennes. Pour elles, être vierge est un signe de retenue, de pudeur et de chasteté. Pour certains parents, le jour d’après le mariage, la femme doit être comme au jour de sa naissance.
Adama Hawa Sow, bloggeuse guinéenne a toujours été intriguée par les rites qui accompagnent le pagne nuptial mais cela est considéré comme un événement majeur dans la vie de la femme dépucelée, écrit-elle sur son blogue.
Voici le texte de notre jeune bloggueuse, publié sur son site adamasoumbou.wordpress.com lisez!
« Il était 17h 55’ TU ce dimanche, j’étais couchée sur le divan et lisais pour la nième fois le livre d’Amadou Hampâté «Amkoulel l’enfant peul » lorsque des voix de femmes attirèrent mon attention ; je sortis pour voir ce qui se passait : on venait de ramener une jeune fille mariée il y’ a une semaine. Elle vient d’honorer toute sa famille. Il y avait du beau monde pour glorifier cette jeune mariée. Elle était vêtue d’une robe « leppi », tissu local du Fouta Djallon, chaussait une paire faite de la peau de vache appelée « gouri ». A défaut des « lotchai » ou colliers de perles rouges, son front et ses oreilles étaient ornés par des noix de colas rouges et des billets de banque neufs. Derrière le voile qui couvrait une partie de son visage, on lisait pourtant la gêne. Les femmes chantaient des louanges en son honneur et à celle de sa mère qui a su, dit-on, lui donner une bonne éducation.
Après les « salamalecs » d’usage, la griotte prit la parole pour expliquer les raisons de ce déplacement. S’en suivirent les rites. Dans la calebasse que sa belle-mère portait au dos, se trouvaient 17 noix de colas exclusivement rouges et le pagne nuptial. Selon la coutume, la belle-mère de la mariée doit ramper à 4 pattes pour remettre cette calebasse et son contenu à la mère de la mariée. Elles se congratulent, dansent et apportent des cadeaux à la mariée. Cette dernière reçoit les bénédictions de ses parents et doit passer quelques jours auprès de ceux-ci avant qu’ils ne la raccompagnent chez son époux avec tout le nécessaire dont elle aura besoin pour bien gérer son foyer.
Rituels du pagne nuptial « woudèrè foutou » : Si jadis, le pagne nuptial était récupéré par des vieilles qui veillaient devant la porte du couple la première nuit de noces, de nos jours, au sein des familles où cette tradition est encore ancrée, c’est à la mariée de rendre le pagne à ses belles-sœurs.
Tous les parents proches des deux familles sont informés. Puis, ils ont une drôle de façon d’informer les autres membres de la communauté. Chez les peuls, on dit à la personne que l’on veut informer « Tédougalmön djiwo ön kö sénidhö » (sachez que la fille est jeune).
Les vieilles personnes se réunissent avec la griotte pour scruter le pagne afin de s’assurer qu’il est bien maculé du sang virginal avant de procéder aux rites et accompagner la mariée chez ses parents. Ces vérifications sont nécessaires pour éviter de tomber dans le piège de nombreuses jeunes filles qui font recours aux nouvelles techniques medicales comme l’hyménoplastie qui est une chirurgie qui permet de redevenir vierge. Selon des indiscrétions, il existe une grande différence entre le sang virginal et celui provenant de la chirurgie. Mais seules les personnes expérimentées peuvent faire la différence. Encore que la capacité même de faire cette distinction est sujette de débat.
Faut-il abandonner cette tradition ?
Si je suis d’avis avec ceux qui disent qu’il faut garder nos traditions et mœurs, je ne suis pour autant pas d’accord avec la préservation de certaines traditions comme celle sur l’authentification de la virginité. En effet, même si le pagne n’est plus exposé aux yeux de tout le monde, il y a quelque chose d’inadmissible dans le fait de violer l’intimité du couple. Cette dernière ne regarde que les deux époux et ils n’ont de compte à rendre à personne. Il est temps que nos parents se départissent de cette tradition très honteuse et qui ringardise davantage nos sociétés. D’autant que les mariées que l’on prétend célébrer vivent la pratique avec un malaise certain. Ainsi,O.B, comptable de profession, l’a subie une semaine après son mariage. Mais elle en parle encore avec une pointe de dégoût :
« Une semaine après mon mariage, les tantes paternelles de mon époux sont venues me chercher pour me ramener chez mes parents, il y avait du beau monde, les gens me lançaient des regards, épiaient mes pas et j’étais mal à l’aise. Mon seul souhait était de disparaître à ce moment. J’étais certes heureuse parce que j’ai honoré ma maman mais j’étais loin de m’imaginer que cela allait faire l’objet d’une cérémonie. On doit bannir cette tradition car, la virginité n’est pas un facteur déterminant pour l’épanouissement d’un foyer. Une fille peut perdre sa virginité sans pour autant entretenir des rapports sexuels. On ne doit pas s’en tenir à l’hymen car certaines filles peuvent naître sans hymen et d’autres peuvent le perdre avec un accident ou le sport. Malheureusement dans nos familles, dès qu’une fille n’est pas vierge, on pense qu’elle est une dévergondée »
Par ailleurs, pense-t-on aux conséquences que le maintien de cette pratique engendrerait dans le cas où l’authentification révélerait que la jeune mariée n’est pas vierge ? Que ferait-on alors ? A propos, je me rappelle de cette triste histoire qui renforce encore mon hostilité contre cette pratique rétrograde. Il y a une dizaine d’années, dans un quartier de la haute banlieue de Conakry, un homme d’âge mûr, après deux mariages avec des femmes de « deuxième main », était obsédé par l’idée d’épouser une fille vierge. Il épousa alors une fille de 17 ans. Mais la nuit même de leurs noces, grand fut son désenchantement de découvrir que son épouse n’était pas vierge. Il l’a roua de coups, la ramena chez ses parents et exigea le divorce. Les parents de la jeune fille, plus préoccupés par la honte et le déshonneur dont ils s’estimaient couverts par la fille que révoltés par les traitements infligés à cette dernière, ne pensèrent même pas à porter plainte. Malheureusement, des histoires dramatiques comme celle-là, il en existent des dizaines dissimulées sous le sceau du tabou. Et même à supposer que le divorce n’est pas envisagé, pense-t-on à la suspicion et au déficit de confiance que cette tradition instaurerait de facto entre les conjoints ?
C’est dire qu’on devrait faire preuve de lucidité pour réaliser que cette pratique n’a pas sa raison d’être. Elle n’est plus d’aucune fonction sociale. Alors qu’elle est un facteur d’implosion des couples et une violation de l’intimité sacrée des conjoints.