Mariée et mère de cinq enfants, elle se lance dans la défense des femmes au cœur d’une communauté qui ne considère pas la valeur de la femme. Djenabou Batco Diallo, est journaliste et présidente de la seule ONG de défense des droits des femmes, dans la préfecture de Fria, une partie de la Guinée. Votre site actu-elles.info, a réalisé une interview avec cette consœur. LISEZ !
Quel est le nom de votre ONG ? Sa date de création ? Son nom est Association de Défense des Droits des Femmes de Fria ADDFF, elle a été créée au mois de mars 2017.
Vous êtes au nombre de combien ? Il y a 17 membres, dont trois hommes.
Avez-vous un siège ? Pour le moment on n’en a pas. C’est chez moi on tient les réunions, c’est là on garde les victimes.
Qu’est ci qui vous a motivé à créer cette ONG ? C’est parti d’un constat. Partout dans le monde les droits des femmes sont bafoués et Fria ne fait pas exception. Ce qui m’a beaucoup attiré, c’est quand j’ai vu une femme veuve en train de pleurer, parce que tout simplement les parents de son mari l’ont chassé de la maison, que son mari a construit pour elle et ses enfants, en lui disant qu’elle n’a droit à rien. Ça m’a moralement touché, je lui ai demandé qu’est ce que tu vas faire ? Elle dit rien, je m’en remets à Dieu, je vais prendre mes enfants et retourner chez mes parents. Donc depuis ce jour je me suis dit qu’il fallait faire quelque chose pour les femmes de Fria.
A coté de cela j’ai remarqué aussi que les femmes sont violentées par leur époux, parfois même par les frères de ces derniers, elles subissaient la discrimination, les petites filles étaient violées. J’ai pris les choses en main, j’ai tout de suite fait des démarches et je me suis lancée dedans, avec pour objectif de défendre les droits des femmes de Fria.
Est-ce qu’elle est soutenue par l’Etat ou par une autre structure ? On est soutenu par aucune structure, aucun partenaire financier. Nous avons quand même scellé des partenariats avec le centre d’autonomisation des femmes. Parce que quand nous aidons une femme à sortir d’un problème, si c’est une femme qui ne fait rien, nous la poussons à exercer un métier, nous la dirigeons vers le centre d’autonomisation et de promotion des femmes. Nous avons aussi l’ONG mère qui est l’Association des Ressortissants et Sympathisants de Fria, qui est notre partenaire point de vue formation. A part ces deux nous n’avons pas un partenaire financier. Tout ce que nous faisons nous le faisons sur fond propre. Il nous arrive parfois de prendre en charge des victimes.
Alors quelles sont les actions que l’ADDFF, a posées depuis sa création ? Dès sa création en mars, nous avons commencé à faire des actions, en commençant par une femme qui a perdu la vie en donnant la vie. Après cela, nous avons attaqué un autre problème qui a touché tout Fria. C’était une fille de 12 ans qui a été donnée en mariage forcé et battue par son père pour l’accepter. Nous avons porté plainte contre le père, il a été jugé et condamné, c’était une première à Fria. Il y a eu aussi le cas d’une femme qui a été battue par le petit frère de son mari, juste parce qu’elle a dit à ce dernier de ne pas prendre son enfant. A coté de ces grands problèmes, il y a des femmes dont les maris menacent de les frapper, nous les sensibilisons et tout rentre dans l’ordre.
Comment les droits des femmes sont perçus à Fria ? Généralement, on met les femmes au plus bas, les hommes pensent qu’ils sont supérieurs aux femmes. Depuis l’enfance, nos familles donnent les priorités aux garçons, tout commence là. Nos coutumes aussi qui disent que la femme doit toujours rester derrière l’homme, donc jusqu’à maintenant, c’est comme ça les droits des femmes sont perçus à Fria ici, l’infériorité.
Jusqu’où voulez vous aller avec l’ADDFF ? Nous envisageons d’avoir un agrément national, car on a que celui préfectoral, pour pouvoir intervenir partout en Guinée, où besoins se posera. Eventuellement quand nous aurons des partenaires financiers, nous comptons aider les jeunes filles qui abandonnent les études par manque de moyens. Nous voulons vraiment aider ces jeunes files à se réinsérer, professionnellement et socialement.
Etant une femme, dans une société traditionnelle, comment votre entourage a-t-il saisit ce que vous faites pour les femmes ? Au début ça a été très mal perçus, ça je te le dis sincèrement. Toute la famille a eu peur quand j’ai gardé chez moi la fillette qui été mariée par force. Alors ils avaient tous peur qu’on me fasse du mal car l’acte s’est passé au village, en me disant tu ne sais pas ce que le père de la fille sait faire, on est en Afrique. Mon mari lui me comprend, il est d’ailleurs membre de l’ONG, mais mes parents, surtout ma maman me disent d’abandonner pour ne pas qu’on me fasse du mal. Mon père a fini par comprendre quand je l’ai expliqué. Mais c’est vrai que c’est risqué car il y a eu un monsieur qui m’a menacé une fois, parce que l’ADDFF a porté plainte contre lui pour avoir menacé sa femme de mort.
Votre dernier mot ? Je vais lancer un appel à l’endroit des femmes, d’abord nous nous battons pour leurs droits, mais qu’elles sachent qu’elles sont actrices dans la défense de leurs droits. Elles ne peuvent pas ne pas être actrices et que quelqu’un d’autre le fasse à leur place. Elles doivent prôner l’égalité d’abord dans la famille, entre les enfants, (filles et garçons NDLR). Que les hommes aussi comprennent que nous ne sommes pas en train de les combattre eux, c’est leurs comportements nous sommes en train de combattre. La lutte contre les violences basées sur le genre est l’affaire de tout le monde.
Aminata Diallo