« Oser le feminisme ». C’est le cri de guerre que la Professeure Fatou Sow, chercheuse et miliante des droits des femmes a lancé à l’endroit de ses collègues femmes mais surtout à l’endroit de ses jeunes étudiantes.
C’était à l’occasion de la cérémonie d’hommage que le Conseil pour le développement de la recherche en sciences sociales en Afrique (Codesria) lui a dédié, dans l’après-midi du lundi 27 mars 2017 à Dakar.
Dissertant sur « Le genre sur tous les fronts », la Professeure, dans son plaidoyer pour le respect du droit des femmes, demande aux jeunes filles de ne pas craindre le féminisme parce que « c’est ce qui vous permettra de prendre des responsabilités pour vous-même ».
Sans équivoque, elle fait savoir sans complexe : « Je suis une féministe africaine enracinée dans mon contexte africain, dans mes cultures africaines dont je m’arroge le droit de lire, de recueillir les histoires anciennes, contemporaines et futures, des valeurs changeantes et vivantes ».
Cette professeure à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar estime que : « nous devons comme féministes pouvoir analyser les réalités, les transformations, les contradictions, les apports multiformes liés au temps et à l’espace ».
A son avis, les cultures africaines ne sont pas seulement mémoire face à un occident colonial. « Nos cultures sont également action, espace de vie que nous réinventons quotidiennement. Ce sont aussi des conquêtes, actions, déconstruction et reconstruction ».
Avant de reconnaitre : « Le féminisme fait peur comme ce machin occidental qui écrase les hommes, au pire veut les émasculer ; qui détruit les familles face à des femmes que nous voulons fortes mais qui sont jugées féroces, avides de pouvoir ».
Or, précise Mme Sow, « le féminisme c’est simplement à la fois une analyse de la situation des femmes, des mécanismes qui instaurent des rapports d’infériorité, des rapports de pression et la volonté de mener des actions pour les abolir ».
A son avis, être féministe c’est vouloir changer les rapports de force entre les sexes, promouvoir l’égalité en droit, favoriser l’accès à la citoyenneté de tous, y compris des femmes. « Toutes les théorisations du féminisme ont accordé la même centralité à l’oppression de femmes ».
Pour démontrer l’universalité du principe, cette figure emblématique du Codesria souligne que le féminisme a cessé depuis longtemps d’être réservé à une élite intellectuelle féminine occidentalisée.
Et de se rappeler : « Au début de ma carrière de féministe on me taxait d’être une femme occidentale. J’avais peur car j’étais vexée, et après j’ai assumé ».
« Nous sommes très nombreuses à refuser d’être féministes. Nous nous battons pour accéder à la terre, pour obtenir du crédit sans la garantie des hommes ».
A l’en croire, les féministes sont pour la parité, la scolarisation des filles, leur maintien à l’université, des emplois de plus en plus qualifiés, la mise en place de Groupements d’intérêt économique et des entreprises. Elles se sont aussi battues contre le mariage précoce, pour l’accès à la contraception, le droit à l’avortement car c’est nous qui portons la grossesse.
« C’est ce que nous faisons en tant que féministe parce que nous brisons ces rapports de domination. Nous sommes tous dans cette phase à des degrés différents. Beaucoup de femmes refusent d’être féministes alors qu’elles se félicitent des progrès des femmes dans toutes les sphères de la république et politique au Sénégal ».
Fatou Sow estime qu’on ne peut pas être féministe en Afrique sans rechercher les sources africaines du sexisme ou le poids du patriarcal ; si on ne regarde pas l’intersection de l’égalité de genre avec l’âge, l’ethnicité, la caste, la race, la religion.
A son avis, les revendications féministes qui sont politiques ou citoyenne ont permis de prendre en compte les besoins des femmes notamment leurs droits relatifs à la reproductivité sexuelle (maitrise de la sexualité et de la fécondité), plaidoyer pour un droit à l’avortement, prévention des mariages d’enfant, des mariages forcés, l’assurance de l’intégrité physique de la femme…
La Professeure pense que l’abolition des mutilations génitales féminines a été extrêmement importante à ce niveau, sans occulter la lutte contre toute violence sexuelle, la criminalisation du viol dans les familles et sur les terrains de conflit.
Cet exposé qui reflète un pan de l’œuvre de l’auteur a permis à d’illustres personnalités du monde universitaire sénégalais de témoigner leur reconnaissance envers Mme Fatou Sow.
Un personnage qui, selon le Pr Ibrahima Niang, a mené la lutte pour dénoncer le caractère patriarcal des universités africaines. Ce qui a été une manière de dénoncer l’exclusion de la femme africaine dans les espaces de construction du savoir.
Le recteur de l’Ucad, le Pr Ibrahima Thioub, pour sa part, a profité de l’opportunité pour inviter à une déconstruction devant anéantir l’approche réductrice du « genre » à la femme.
L’ancienne ministre sénégalaise, Mme Ndioro Ndiaye quant à elle donne la paternité du Programme « Femme Sénégalaise 2015 », la première étude prospective sur la femme au Sénégal. Même son de cloche pour le Pr Abdoulay Bathily. Selon lui, le travail de Fatou Sow ne se limite pas à l’aspect genre mais englobe les mutations de la société sénégalaise.
Source amaani.info