Dans le cadre de la célébration de la journée internationale de la jeune fille, du 11 octobre dernier, sous le thème « Génération numérique. Notre génération », actu-elles.info en collaboration avec Global Media Campaign to End MGF, s’est accentué sur la question de l’excision. Pour en parler, le site a joint une docteure en droit islamique.
Docteure Aminata Diallo est diplômée en droit islamique, elle parle ici de la pratique de l’excision au regard de l’islam.
“Certains jugent l’excision comme une obligation, d’autres disent que c’est un acte honorifique pour la femme.” Entame-t-elle avant de continuer sur des preuves à l’appui.
Pour elle, “le coran ne contient aucun texte faisant allusion ni de près, ni de loin à l’excision des filles. Et il n’y a aucun consensus sur un arrêt légal concernant cette question. Tout comme aucune analogie ne peut s’y appliquer. En effet, c’est dans la sunna que cette question puise sa légitimité, basée sur une interprétation de certains hadiths attribués au prophète Mohamed (psl). Et selon la science, les hadiths du prophète qui peuvent être pris en considération, sont ceux authentiques qui peuvent faire force de loi.” Nous apprend-t-elle.
Selon Docteure Aminata Diallo, il y a quatre hadiths qui parlent de l’excision des filles ou de l’excision en général. “Le premier hadith dit: la circoncision est une sunna pour l’homme et un honneur pour la femme. Al Hafiz ibn Hajar, a confirmé la faiblesse de ce hadith dans son livre résumé de l’œuvre de l’actualisation des hadiths. Il dit c’est un hadith faible et de transmission discontinue. Al Hafiz Abi Oumar ibn Abdoul Bar, avait écrit dans son livre Introduction, il dit que ceux qui se basent sur ce hadith de Ibn Malick pour rendre l’excision sunna, ont tord. Puisque le texte est rapporté par Hadjaj ibn Arta qui n’est pas digne de confiance. Contrairement au consensus des musulmans sur la circoncision des garçons.” Justifie-t-elle.
Le deuxième hadith dans la sunna est rapporté par Aïcha remontant jusqu’au prophète. “Le prophète dit: si les deux parties circoncises se rencontrent, les grandes ablutions s’imposent. Les termes pris comme preuves ici sont “les deux partie circoncises”. En effet certains peuvent avancer cet argument pour légitimer l’excision, puisque le prophète a bien spécifié qu’il existe deux parties circoncises chez l’homme comme chez la femme. Or il n’existe aucune preuve dans ce mot légitimant l’excision des filles car en langue arabe, il est possible de généraliser un terme pour désigner deux choses similaires en utilisant le terme le plus connu, le plus simple ou le plus puissant. Par exemple on dit les deux Oumar pour désigner Aboubakr et Oumar. Ou encore les deux lunes pour désigner le soleil et la lune. Par conséquent, le terme KHITAN ne peut être avancé comme preuve pour légitimer l’excision. De plus, le hadith en question évoque les grandes ablutions et ne parle pas du tout de la circoncision.” Dixit Docteure Aminata Diallo.
Le troisième hadith rapporte que le prophète a dit à Oum Atiya, une femme qui pratiquait l’excision à Medine, “Ô Oum Atiya, coupe légèrement, n’exagère pas et n’abuse pas car c’est plus agréable pour la femme et meilleur pour le mari. Abou Daoud a fait un commentaire sur ce hadith dans son recueil, il dit que ce hadith est de type “moursal” et son rapporteur Mohamad boun Hassan al Koufi n’est pas connu. Par conséquent ce hadith est faible. Même en appliquant ce hadith, la limite fixée par le prophète, a donc justement comme objectif, que l’épouse ne soit pas privée d’un droit qui lui est déjà reconnu par les sources musulmanes, la satisfaction sur le plan intime.” Rajoute-t-elle.
Le quatrième et dernier hadith, le prophète a dit, selon Docteure Aminata, la fitra consiste à 5 pratiques, notamment “le rasage du pubis, la circoncision, la coupe des moustaches, l’épilation des aisselles et la taille des ongles. Ce hadith ne peut pas être considéré comme une preuve de l’institution de l’excision. Puisque le fait de couper les moustaches et laisser pousser la barbe, concerne uniquement les hommes.”
Après les hadiths, docteure rajoute ceci, “le fait que le prophète n’a pas excisé ses filles est une preuve suffisante que l’excision n’est pas un précepte de l’islam. Car si s’en était un, le prophète (psl) aurait été le premier à l’appliquer sur ses filles. Ainsi on ne trouve aucune trace dans la sunna authentique, justifiant cette pratique et tous les arguments avancés se basent sur des hadiths faibles. Par conséquent, cette pratique n’est qu’une tradition parmi tant d’autres que l’islam a laissé au temps et à la science de réglementer et interdire.” Affirme la docteure en droit islamique.
Elle conclut en ces termes, “ce sont les médecins qui peuvent nous dire si cette pratique est bénéfique pour les filles ou non? Les femmes aussi peuvent témoigner.”
À rappeler qu’en Guinée, musulmans et chrétiens pratiquent l’excision. Il faut donc se poser la question, de savoir est ce que la pratique est due à la religion ou la tradition? En tout cas la Guinée est le deuxième pays au monde à pratiquer l’excision avec un taux de prévalence de 96% après la Somalie. Pourtant la Guinée n’est pas le deuxième pays au monde où l’islam est mieux pratiqué ou encore le pays le mieux enraciné dans la tradition.
Aminata Pilimini Diallo